L’Association des Ingénieurs de France (AITF) demande au Conseil d’Etat d’annuler quatre des décrets du 26 février 2016. Décryptage du recours déposé en août dernier.
Illégalité des conditions d’avancement d’ingénieur territorial au deuxième grade Hors Classe (HC)
Le recours, fondé sur le respect du principe d’égalité de traitement entre les agents, vise deux discriminations tenant au sexe et à la durée requise pour l’avancement.
Selon l’article 25 du décret n°201, les périodes de référence de dix et douze ans précédant l’établissement du tableau d’avancement sont prolongées des périodes de congés de maternité. Par conséquent, la durée desdites périodes n’est pas comptabilisée pour l’avancement au grade d’ingénieur HC, de sorte que les femmes ne bénéficient pas des mêmes conditions d’avancement que les hommes. Une discrimination qui, rompant l’égalité entre hommes et femmes, ne respecte pas davantage la loi que la Constitution.
Ce même article 25 prévoit, une durée nécessaire à l’avancement d’un ingénieur territorial avec deux alternatives : six ans de détachement sur un emploi à indice brut d’au moins 1015 ou huit ans sur un emploi à indice brut d’au moins 966. L’occupation d’un emploi ouvrant droit à une rémunération liée à un indice brut minimal devient ainsi le seul critère conditionnant l’avancement de grade des ingénieurs. Or, selon une jurisprudence du Conseil d’Etat devenue constante depuis 1991, et conformément au statut général de la Fonction publique de 1983, l’avancement au grade supérieur, hors examens et concours, s’effectue fonction de la valeur professionnelle et des acquis de l’expérience professionnelle des agents. Et ce qui a été jugé en ce sens par la plus haute Autorité administrative pour les fonctionnaires d’Etat, comme pour les administrateurs territoriaux en 1998, trouve naturellement lieu de s’appliquer aux ingénieurs territoriaux. L’occupation d’un emploi ouvrant droit à une rémunération liée à un indice brut minimal ne permettant pas d’apprécier la valeur professionnelle, pas plus que les acquis de l’expérience professionnelle, l’AITF estime que la durée définie à l’accès au grade d’ingénieur HC procède en tout état de cause d’une erreur manifeste d’appréciation, rien ne justifiant au demeurant que la durée requise dans un emploi soit ainsi de 6 ans dans un cas et de huit dans l’autre.
Remarque AITF : si la création d’un 3ème grade pour l’ingénieur principal hors classe(A) est une avancée, les conditions pour pouvoir en bénéficier sont trop limitées et restrictives. Ce grade est en effet accessible que pour 10 % des postes mais surtout en détachement uniquement. Tout en conservant un système de quota, peut-être un peu plus élevé, l’AITF souhaite toujours que ce grade soit ouvert à tous et pas seulement aux emplois fonctionnels.
Des conditions d’éligibilité à présenter concours externe et examen professionnel à réécrire aussi
Au-delà des titulaires d’un diplôme d’ingénieur délivré conformément aux articles L.642-1 et suivants du Code de l’Education, l’article 1er du décret n° 206 compte parmi les candidats éligibles sur titre les titulaires d’un diplôme d’architecture ou bien les titulaires d’un autre diplôme, « « scientifique ou technique ». Ce qui est en contradiction avec la nature « scientifique et technique » du cadre d’emplois d’ingénieurs territoriaux précisée par le décret n° 201, cadre d’emplois défini par le statut de la Fonction publique territoriale de 1984 comme le « regroupement de fonctionnaires soumis au même statut particulier, titulaires d’un grade leur donnant vocation à occuper un ensemble d’emplois, chaque titulaire d’un grade ayant vocation à occuper certains des emplois correspondant à ce grade ». La nature « scientifique et technique » du cadre d’emplois d’ingénieurs territoriaux supposant ainsi de la part de ces derniers des compétences à la fois techniques et scientifiques, les diplômes requis pour leur recrutement doivent nécessairement attester de cette double compétence. En raisonnant « à la carte », les rédacteurs du décret n° 206 ont commis selon l’AITF une erreur manifeste d’appréciation dans la fixation des diplômes requis à l’accès au cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux.
Quant à l’examen professionnel permettant de passer du cadre d’emploi d’ingénieur territorial à celui d’ingénieur en chef, celui-ci est désormais contingenté. Ainsi, selon le décret n° 207, le nombre de postes ouverts ne peut dépasser le seuil de 70% du nombre de candidats admis à l’ensemble des concours, externes et internes. Ce contingentement inscrit dans le projet de texte et examiné par le Conseil supérieur de la Fonction Publique (CSFPT) en septembre 2015, avait été aussitôt perçu par l’AITF comme une assimilation à un concours allant fortement restreindre l’avancement qui ne concernerait ainsi que peu de candidats. Aussi nous revendiquons sa suppression pour limiter l’effet de « plafond de verre » généré par la suppression de la promotion sociale.
La réécriture du décret n° 207, avec suppression pure et simple du contingentement, comme celle des autres décrets dont l’AITF demande l’annulation au Conseil D’Etat, ne pourra cependant pas à elles seules contribuer à compenser les risques d’un étalement dans le temps des augmentations de salaires induits du Protocole PPCR et à rendre le statut des ingénieurs territoriaux plus attractifs !