L’AITF (Association des Ingénieurs Territoriaux Française) a appris avec consternation que le projet de Loi de Finances pour 2016 prévoit à nouveau la baisse de 10 % des recettes du CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale) en 2016, par l’abaissement du taux de cotisation appliqué aux seuls employeurs publics locaux de 1 % à 0,9 % des salaires bruts versés aux agents territoriaux.

Certes, la cure d’austérité a été revue à la baisse, puisque le financement avait été affiché à 0,8 % mais cela reste un coup porté au fonctionnement des collectivités locales, par ailleurs injustement critiquées sur leur mode de gestion et l’implication de leurs agents, ne va pas dans le sens d’une réaffirmation de l’efficacité du service public.

L’AITF s’insurge contre cette mesure qui reste brutale, incompréhensible et parfaitement contre performante qui frappe la formation professionnelle des territoriaux sans aucune prise en considération de ses fortes spécificités, au moment où élus et managers locaux sont confrontés, en période de grandes réformes et de difficultés financières, à au moins 6 défis organisationnels majeurs :

  • La nécessité d’assurer la sécurité du travail de 1,9 millions d’agents occupant plus de 250 métiers différents et certains très exposés ;
  • L’accélération des progrès technologiques, l’augmentation et la diversification des besoins de la population, une exigence de niveau de qualité de service et de réactivité sans cesse en progression ;
  • Le recul des capacités d’expertise des services de l’Etat sur le territoire qui oblige les collectivités territoriales à répondre de plus en plus seules aux besoins impératifs de sécurité technique, juridique, administrative et financière de l’action publique locale  mais aussi des projets des porteurs privés et publics (permis de construire des locaux des entreprises par exemple ) ;
  • Le processus d’une ampleur sans précédent de fusions de régions et d’EPCI, de disparition des syndicats intercommunaux ainsi que la conduite des mutualisations engagées entre les communes et les EPCI, supposant un délai suffisant d’ajustement aux exigences de leur nouveau poste par les cadres et les agents redéployés ;
  • La baisse des dotations d’Etat qui se traduit par la réduction drastique des recrutements de personnels qualifiés, le non remplacement de personnels partis en retraite ;
  • La montée des maladies professionnelles, des phénomènes d’usure professionnelle.

Encore faut-il rappeler que le droit à la formation tout au long de la vie a été reconnu par la loi et qu’il convient de l’appliquer. Encore faut-il rappeler que les fonctionnaires territoriaux relèvent de 60.000 employeurs locaux qui n’ont pas tous, loin s’en faut, les moyens d’organiser la formation de leurs collaborateurs. Encore faut-il rappeler que plus de 75 % des agents territoriaux sont des agents de catégorie C qui n’ont pas reçu une formation initiale aussi importante que leurs collègues de catégorie A et B. Encore faut-il rappeler que le CNFPT ne peut pas affecter la totalité de ses recettes à la formation parce qu’il finance aussi d’autres missions fixées par la loi (telles que l’organisation des concours). Voici quelques-unes des spécificités de la FPT qu’il conviendrait de prendre en considération.

Vouloir des collectivités locales qui s’adaptent à marche forcée, vouloir en faire des organisations plus agiles, vouloir les voir demeurer capables, malgré des baisses massives de leurs recettes, de lutter contre les effets des fractures devenues désormais de véritables « crevasses » sociales et territoriales qui menacent les valeurs et les réalités de la République, c’est vouloir disposer sur tout le territoire d’agents publics territoriaux formés, reconnus et motivés.

La baisse des recettes du CNFPT de 35 M€, si elle était maintenue à cette hauteur, ne sera pas compensée au sein des collectivités locales sur des budgets alimentés de façon volontaire. Seules les plus grandes collectivités disposent en interne des ressources en ingénierie de formation qui leur permettront de faire face partiellement à la baisse de la capacité d’action du CNFPT.  Son rôle mutualiste, sa capacité de conception et de diffusion de la formation sur l’ensemble du territoire national, sa capacité à connaitre et à s’adapter aux réalités locales sont irremplaçables.

Mais il est question ici de cohérence de l’action publique locale. La formation est un levier essentiel de la mise en mouvement et de la transformation des organisations.

Enfin, cette baisse des capacités de financement du CNFPT va freiner la modernisation de cette institution et le développement des nouvelles technologies comme la @.Formation qui permettra à moyen terme apporter des économies en réduisant les dépenses de structures mais aussi permette un accès à la formation à un nombre encore plus important d’agents depuis leur lieu de vie ou leur espace professionnel, dans un processus gagnant/gagnant avec leur employeur. Pour cela, il est nécessaire de donner les moyens au CNFPT pour qu’il poursuive son équipement, qu’il forme ses agents à cette révolution numérique et qu’il développe des contenus adaptés de formation.

A l’aube du débat parlementaire sur le projet de Loi de Finances pour 2016, l’AITF appelle le gouvernement à reconsidérer sa décision et les parlementaires à faire valoir leur connaissance fine des réalités territoriales pour rejeter cette décision sans fondement et aux effets contraires aux objectifs escomptés.

Patrick BERGER - Président National de l'AITF